C’est une île en plein océan.
Loin de la côte. C’est une île sans pollution lumineuse. Où oublier ses ennuis. C'est une île où il est possible de ne goûter qu'à la clarté des étoiles, à la lune et aux planètes lointaines. On imaginerait leurs habitants. Sous une voûte peuplée où résonne la voix d'espaces inconnus. Et tout serait à refaire.
Elle voudrait tant trouver son chemin. Il y a des destins qui présentent seulement un accroc de
départ. Et cela oriente toute une vie. Il semble infime. Quelques minutes. Et
doucement bascule la vie.
Antiphon avait créé un art du
déchagrin. Il disait qu’avec les mots, rien que les mots, il pouvait soigner
ceux qui souffrent, les chagrinés, les
affligés. On l’avait appelé aussi "l’hypocrite des rêves", le déchiffreur des
rêves ( hupokritès), celui qui feint, celui qui répond, « à qui Sommeil
accorda cet honneur .»
Il est 4 heures du matin. Elle avait rêvé. Elle me
parle au matin, de son rêve. Un rêve étrange où il y avait une ambiance sombre, agitée,
où les gens ne parlaient qu’une langue étrangère qu’elle ne comprenait pas. En
le disant, en le racontant, antiphonaire de la nuit, les mots l’agitent. Poison
ou remède ? Incompréhensible amertume ou douceur d’un sens familier ?
Les mots sont pharmakon. Mais le
pharmakon est aussi, nous dit un dictionnaire, une lessive, un réactif, un
colorant. Les mots laveraient-ils l’âme, coloreraient-ils ses plis,
feraient-ils réagir comme un catalyseur les phases du chemin de la vie ?
Elle était assise sur les marches
du temple. Quelques siècles plus tard. Quelle importance ? La vie est toujours
la même. D'autres êtres, par ici, circulent. Ils ont d’autres habitudes. Ici
aussi, les mots colorent la vie. D’autres mots racontent le détachement, l’éphémérité,
le fleuve du devenir. Peu importe si on mange du riz, dans des feuilles de
bananier. Les chagrinés, les affligés, viennent toujours y chercher le sommeil
de leurs douleurs. Un gong sonne. Ses notes semblent envelopper le désarroi
comme dans une feuille de bananier fraîche. Les dernières dont elle se souvenait, poussaient, immenses, dans le jardin de sa mère. Au milieu d’elles, des régimes
de banane, à la chair parfumée.
Les bonzes sont souriants. Une joie enfantine se lit sur leur visage. Ici, ils apprennent. Ici, ils ont de quoi manger. Ici, les familles les ont confiés à leurs aînés. Ici ou ailleurs. Chance de la vie. Apaisement.
Les bonzes sont souriants. Une joie enfantine se lit sur leur visage. Ici, ils apprennent. Ici, ils ont de quoi manger. Ici, les familles les ont confiés à leurs aînés. Ici ou ailleurs. Chance de la vie. Apaisement.
Ephémérité du temps.
Une barque sur l’océan.
Incertaine.
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