jeudi 25 février 2016

L'énigme de la carnation







Il m'a parlé ce jour là de son travail d'éclairagiste. Il double les spectacles de lumières, de gels et de filtres de couleurs. Il se posait la question de savoir comment rendre la chair des acteurs. Carnation impossible à saisir selon le bleu ou le rouge qui pouvaient les accompagner en fond de scène.

Il était si passionné. Ses créations de lumières étaient comme des créations dans les créations. On l'appelait maintenant pour cela.

J'ai pensé alors à ce regard rouge De la Tour et à ce bleu Vermeer qui venait de ce plat pays d'un ami. Des regards qui se croisent et qui cherchaient tous l'énigme de la carnation. Mise en chair d'une étrangeté d'un regard tourné vers l'intérieur ou tourné vers l'autre.




 



Je l'ai revu des années auparavant à son âge d'adolescent où on l'étiquetait "dyslexique". Il ne comprenait rien à rien et quand il parlait, il avait le sentiment de traduire ce que disaient les autres dans une langue qui leur était inconnue. Son père le sommait de ne plus parler "sauvage". C'étaient des prouesses sans nom que d'avoir assimilé l'électricité et les couleurs et de pouvoir s'adonner à un monde qui lui faisait peur, la littérature, le théâtre, lui qui ne savait pas l'orthographe. 
Et maintenant on l'appelait pour créer des tableaux, des scènes troubles et étranges où il agençait des couleurs, des images et des vidéos derrière les personnages. Il filmait et les repassait sur la scène comme en une toile de fond vivante. C'était une vision double qui créait un effet décalé et pliait les strates de la réalité.

Je l'ai vu soudain se retourner et j'ai saisi son regard bleu fraîcheur et ses questions sur la carnation....






gendarmes mais non coccinelles



Le tronc est devenu un nid de bêtes en tous genres. Il paraît qu'ils voulaient l'abattre. Malgré le vent pourtant, je n'arrive pas à me résoudre à l'idée. J'ai tant pris l'habitude de passer devant. A défaut, je vous aurais préféré colonies de coccinelles en vos amours de rosiers. Même en passant vite, vous vous êtes un peu aplaties alors...




Dialogues de bêtes, de printemps précoce et de lumière




C'est un inconscient qui a oublié ses plates bandes et qui prend l'air, l'air, l'air et qui s'enivre de vide, "potentiel de tous les possibles", avait-il dit, après s'être dépouillé de ses vieux regards sur le monde.

C'était comme un ricochet à la surface de l'eau. Echo blanc d'un voix de fin silence.


 @larosaturca merci de cet écho italien !
"bianca eco di una voce di fine silenzio "







mercredi 24 février 2016

Bribes du temps qui passe



Il a tellement plu aujourd'hui que l'eau a monté jusqu'au chemin de halage. Mot si ancien qui double un chemin qui n'existe plus que pour les promeneurs et les ragondins.
Il a tant plu en amont, voilà l'eau qui dégringole jusque sur les fleurs d'un prunus qui a perdu la tête tant il y avait de vent.




Quand commence donc l'écriture ? Avec le vent, avec le temps, où quand finit quelque chose, ou plutôt quand tente de naître quelque chose ? Il m'a parlé ce matin et m'a dit qu'il  préférait garder en germe tout le potentiel plutôt que d'écrire, ou de prendre des photos.
Ecrire... la doublure du temps, ce luxe d'en saisir la doublure, quand le quotidien des besoins ne prend pas à la gorge. 
-Il fait un peu froid ce matin, ne trouvez-vous pas ? a-t-il dit encore.
Il a passé le pas de la porte et reviendra la semaine prochaine.


Grand merci de vos traductions !
@larosaturca



con il vento, con il tempo..quando finisce oppure tenta di avvenire..scrivere






dimanche 21 février 2016

petits printemps




Petits soleils malgré la pluie, ils ont éclos déjà partout, faisant espérer un temps plus doux...

Bientôt, bientôt...






Petits riens, je me demande d'où vous venez, éparpillés ainsi sur le sol.

J'ai aligné à votre suite, un ou deux mots. Ils ont réorganisé mon intérieur, fluidifié les articulations, consisté mes doigts, dans l'espace de leurs racines.

Journal du quotidien qui essaie d'oublier les brouhahas d'un monde devenu inquiétant dans sa dérive.



samedi 20 février 2016

Filatures en soi de Dominique Hasselmann




Une coccinelle le long du trottoir


       ".... Ecoutez, j’en suis confus et si vous craignez que cela vous crée des ennuis, je peux enlever la photo, il me suffira d’en prendre une autre…
 –        Oui, mais c’est trop tard ! Depuis, elle m’a fait une scène en disant que je la trompais, que je lui faisais croire que j’allais à des rendez-vous professionnels à Paris alors que c’était pour retrouver sans doute ma maîtresse !
 –        Comment a-t-elle reconnu votre voiture ?
 –        Par le numéro d’immatriculation et par la concordance des temps.
 –        OK, je vais faire le nécessaire : voulez-vous que j’appelle votre femme pour lui expliquer les origines de ce malentendu, et lui dire que vous étiez venu chez moi me faire une proposition tout à fait honnête concernant mes doubles vitrages ?
 –        Ce serait vraiment sympa de votre part…
 Alors, il a pris son téléphone et a composé le numéro de Marie-Thérèse. Pendant qu’il appuyait sur les touches, je l’ai contourné en faisant mine d’aller regarder ses livres : uniquement des traités sur le zen, la béatitude, le boudhisme, le Dalaï-lama, et puis l’album Tintin au Tibet.
 J’ai sorti mon Laguiole de la poche de mon pantalon, j’ai déplié la lame si belle, encore jamais tachée, et je lui ai enfoncée dans le dos, juste au moment où il disait d’une voix que j’ai trouvée trop suave :
 - Allô, Marie-Thérèse ? Vous ne me connaissez pas, mais je connais bien votre mari…
 Le reste de sa phrase a été avalé dans un immonde gargouillis, et son tee-shirt blanc a changé de couleur.
 J’ai essuyé mon couteau sur le bras d’un de ses fauteuils crème, en simili cuir, j’ai fermé la porte (Laplanche était étendu par terre) et j’ai repris l’ascenseur.
 Je me sentais plus léger. Non mais, les blogs, ça va bien cinq minutes ! "




Filatures en soi : http://www.qazaq.fr/pages/filatures-en-soi/
Autres liens:
Dominique Hasselmann :  http://www.qazaq.fr/pages/dominique-hasselmann

jeudi 18 février 2016

Ah la vie ! La vie ah !






Je l'avais vu. 

Mais là, j'ai vu son regard. Il s'ouvrait sur le matin par cette fenêtre de lumière en son espérance arborescente. 

Ah la vie ! La vie ah ! Peu importe les saisons. Ne reste que ce bleu de tous les possibles, couleur diaphane d'une âme se diluant dans son printemps d'aquarelle.



Grand merci de vos traductions !

@larosaturca
poco importano le stagioni, non resta che questo blu del cielo in tutte le sue possibilità



Pages de pierre


                                          

J'ai marché et je les ai croisés au détour d'un mur. Ils ont laissé à la surface des pierres, leurs histoires et leurs moi encombrants. Ce sont des ritournelles qui tournent en boucle et résonnent dans un monde devenu ahurissant. Ils sont et vous et moi, sans parcours grandiloquent ni plus de réponses. Le commun seulement, le banal ou l'anonyme avec toujours des questions qui traversent l'esprit comme un chien traverse par mégarde les rues de la ville.

Ils ont fermé leurs yeux globuleux sur une joue blafarde. J'ai observé ce lichen qui fleurit sur le marbre, dans son eczéma d'un temps devenu insupportable.

Mais pourtant ils sourient. Je vous dis c'est peut-être vous ou moi sous leurs paupières sommeil.
Et derrière leurs sourires j'ai retrouvé des ombres que j'ai croisées, oui comme vous et moi.  Ni plus ni moins. C'est une lecture de leurs pages de pierre qui m'a fait penser à cette autre page :
" que ce qui diffère essentiellement entre un livre et un ami, ce n'est pas leur plus ou moins grande sagesse, mais la manière dont on communique avec eux..." 1


Ils étaient assis, oui, je crois. Je me suis alors assise tout à côté pour écouter leurs voix emportées dans le bruit du vent.
Ni plus ni moins.












1. M Proust : Sur la lecture.



















lundi 15 février 2016

Concrétions





Il était parti de l'autre côté de la terre, il m'a ramené ces concrétions d'eau, filigrane multicolore, dentelle dure, champignons extraordinaires sculptures.













J'ai observé, tourné autour, comme si je les avais saisies. Grottes, cours d'eau, feuilletages calcaires, aux mouvements pétrifiés.

C'est une eau, suspendue avec ses quelques millions d'années en goutte à goutte, perfusion de vie distillant dans le creux des doigts sa lumière stalactite









jeudi 11 février 2016

Gradiva de pierre







J'ai feuilleté les livres de pierre et me suis arrêtée un instant ici, cet après-midi...
Ils m'ont appelée ainsi sous d'autres cieux : Gradiva dansante à la démarche légère, en tunique volupté. 



Je suis partout, j'ai d'autres visages et d'autres vêtures. Je danse et ne cesse tout autour de la terre.
Je n'ai reconnu personne ou peut-être était-ce tout le monde. Mais c'était de nuit... 



 Ce ne sont que des histoires à dormir debout. 
Certaines ont dansé à la surface des eaux à l'ombre des moustiques. Misères errantes, contes lucioles, âmes égarées. Ne  leur est restée que l'illusion nature d'un plus libre destin. C'était loin de la barbarie qui gîte en tout homme. Une illusion de choses en mots qui n'existent pas et qui s'espéraient pourtant. Illusion, oui je sais bien mais quand même.




  1. Danzo senza fermarmi tutto intorno alla terra... Ma era di notte...
  2. Un'illusione di cose in parole che non esistono e che si speravano tuttavia...
  3. Non sono che delle storie ... Miserie erranti, racconti lucciole, anime smarrite ~ Gradiva de pierre



et si grand merci de vos traductions dans cette danse des langues et images...













C'est un ciel à l'envers







Passent les nuages
Ebullition torrent
C'est le monde dans la main
A travers quelques gouttes d'eau
Brume avalanche sur rochers rugueux
Tu as bouillonné
Entre deux herbes sèches
De froidure encore
Gronde le vent











mardi 9 février 2016

Déjà ?






J'ai d'abord cru que des mouchoirs blancs amenés par le vent  s'y étaient accrochés
Mais branches mortes, branches vertes, arbustes aux doigts griffus
Ils ont étiré les états nature, 
De la vie à la mort
Ikébana magnolia 
Avec le ciel comme signature d'un regard oublieux d'hiver

samedi 6 février 2016

Vent

Il y avait tant de vent dehors, je n'aurais su dire sa force, vent du large, vent du fleuve, vagues tempêtes.
Tu as amené la douceur des roses. Et j'ai vu un vent de roses. J'ai imaginé le sable désert et les tropiques aux couleurs printemps éternel.



J'ai exploré leurs pétales, une à une, repliée
Porcelaine craquelée


Voiles ambrées
J'ai voulu me loger en chacun de leurs coeurs
Y dormir un million d'années
Dans la surprise de leurs pétales
Paupières de lune noctambule












vendredi 5 février 2016

vase communiquant avec Lambert Savigneux


"Les Vases Communicants" 


Tiers Livre :/http://www.tierslivre.net/ et Scriptopolis : /http://www.scriptopolis.fr/en/ 

sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre ...

... et ce mois-ci, pour ma deuxième participation aux "Vases Communicants" j’accueille Lambert Savigneux, son travail d'écriture et son travail d'artiste, avec une peinture et un texte.

Un si grand merci à Lambert dont j'apprécie le travail d'écriture et de peinture et son regard translangue et transculture.












Les herbes bruissent, vie qui pousse est tout autour, rafale dans le vent et s’incline à perte de vue. La prairie chante, sculpte le temps des airs foulés, des graines envolées. Pas de cassure, la lumière puise la douleur, finement posées de simples lignes dans la douceur, radiance et oubli quand la rosée et l'eau esquissent le geste de la terre en dessous.





et merci à Lambert de m'accueillir sur son blog