jeudi 30 octobre 2014

Architectures déstructurées

Où allez-vous bras dessus- bras dessous ? Mécanique désossée jusqu'à la moelle. Rien que des histoires à raconter. Minuscules. Dérisoires. Rien de rien. Mais le rien est révolu. Et il n'en savait rien. Il avait oublié d'où il venait. Et il s'est déshabillé jusqu'à se désosser. En pensant  dire la vérité.

Au seuil du vide. Un petit tour tout de même, m'sieurdame ! Un petit tour. Pour s'étourdir.
Et tous les jours, dans les oreilles. Toutes ces paroles qui bourdonnent. Venues d'une autre scène. Et qui défont les frontières. Câblages déstructurés. Entre deux chambres tôles ondulées.


Elles se cherchent. Une âme, un corps, une vérité,  pour vivre un peu tout de même. Avec la femme et l'homme, et l'enfant et le chien, sans compter la paille des lignes.



Des histoires encore des histoires. Grondant derrière les scènes de la nuit. Dans les draps durcis de sueur. Travaillant le rêve, torturant le langage.

             

 Elles ont mêlé le sucré et l'amer.

Mais tout cela survivra-t-il, si ce n'est qu'artifices de forme ?

L'on sait bien. Qu'au bout, oui au bout.  Oui mais quand même.

 Encore un petit tour. Oui tout de même.

Toutes ces histoires sans histoires. Qui n'échappent pas aux refrains. Dérisoires ritournelles. Elles cherchent. Y croient. Sans jamais s'y croire. Juste le temps de le dire. Et d'en prendre acte. Y. En

Ânesses en déroute.

A nouveau jouissives. 

Petites vies de pages blanches.

Qui...

Un petit tour et puis s'en vont.















mardi 28 octobre 2014

Ecrire, l'inconscient dans la main ?

Avoir tant parlé et puis dire encore. Jusqu'au roc dur de ce qui est possible de dire. A en user les mots, délier les phrases, éroder les habitudes. Et venir effriter les habits de l'être. 

J'avais espéré que se lève le silence. Et pouvoir écrire enfin. L'inconscient logé dans la main. Libre. En rébus, à saute-mouton, sur les vagues du langage.



Et voilà que s'envolent les significations usuelles. Poésie à la lampe de Psyché. Dans la joie d'Eros. En délicatesse avec les sens du monde. Nouveaux sens insensés. A revisiter. A inventer. A tisser. Etoffe sans joliesse. Sur une langue rugueuse.

Après la parole, écrire ? Avec l'inconscient en lampe torche. Et la solitude au fond des mots. Cicatriser, panser, rêver peut-être. Encore un effort. A la lettre. Jusqu'à l'oblique. Là où tombe le mot. Puis une couleur, et puis un son. Incidents. Ah, je rêve d'une musique qui danserait les mots. Pour leur donner enfin. Ne serait-ce qu'un peu de corps. Semblant au vernis de chairs délicieuses, perlant d'histoires à fleur de peau, et  habillant le squelette de l'âme.





Natures mortes. Pelures de l'existence. Petites histoires de rien.

Rien de rien...











Chardin. Prunes et pêches.

dimanche 19 octobre 2014

Le blog comme laboratoire

Une amie m'a envoyé un texte qu'elle avait écrit, il y a longtemps. Toujours d'actualité, m'a-t-elle dit. C'est sans doute ce qu'on nomme le hors-temps. Il y était question de silence, de blanc, de vide. Texte ténu, entre géométrie et finesse, l'un désignant la terre de l'autre dans son étrangeté.

J'ai pensé à toutes ces anecdotes enfouies au fond de nos nuits. Dérisoires et si pourtant elles contenaient toute la vie, dans ses éclaboussures de jouissance, ses fanfreluches périmées et leur note animale, insistante, familière. Sans foi ni loi. Musique barbare au coeur de l'humain. Devenue seulement bruits que le silence ensevelit. Dégustation des vieux rêves de la vie, que ne vous fait-on pas dire ?

Je suis revenue vers le silence. Je m'y suis blottie. Face au blanc et aux échos venus des nuits endormies, là où devait naître la pureté de leur semblant, sont venus en cohorte, mots, phrases. Dans la solitude des lettres. Elles ont dansé sans fin, devant mes yeux. Et je n'ai pas su avec elles, broder au moins une histoire, une seule. J'ai raturé, gribouillé, effacé.  Restes et débris. Tous riaient au fond de la  poubelle. 

J'ai voulu  écrire. Ecrire. Encore écrire. Il y eut soudain devant mes yeux, un passage de lettres en poste restante, aux adresses improbables.


J'ai déchiffré leurs timbres, leurs pays et puis encore leurs dates, le cachet de la poste faisant foi dit-on. Mais de quoi ? Une ombre  passe. Histoires, histoires que tout cela. Effacées. L'une après l'autre. Que recueille le blog au fil des saisons. Laboratoire. Expérimentations.  Empilements. Consignes de l'invention. Hésitantes.Trébuchantes. Dépôts.




Ecrire comme une main tendue vers l'autre. Cet ami logé dans le blanc du silence. Assis sur ses nuages numériques. Et qui parfois répond. 

Et de ces lettres au panier, je me suis fait des cocottes, des avions, et puis des chaises, des tables et puis des chardonnerets, des fruits et des fleurs impossibles.
Origami de la vie. Qui rit et s'ébaudit. Mais revoilà encore les fossés et les ornières où butent les histoires. Manro de l'impossible...





Ecouter le silence, espérer sa connivence avec la parole. Une main tendue vers.

Un jour peut-être.

jeudi 2 octobre 2014

Souricières du désir.

-Excusez-moi, je n'arrive à écrire que des anecdotes, dit la main.
-Excusez-moi, j'entends plus que ce que je ne peux dire, dit l'oreille. J'entends des histoires qui m'apprennent la vie. Par des fenêtres que je n'aurais jamais empruntées. Mais quand ces histoires ont passé le seuil de mon tympan, le particulier qui les a dites, vient faire écran. Pourquoi, je ne sais pas. Et je n'arrive plus à entendre. 
-Excusez-moi, les mots dérapent quand je veux dire, dit la bouche. Je voudrais dire, et dire au plus juste. Avant que cela ne puisse s'écrire.

"Tout se passerait-il pour l'écrivain dans un avant-livre dont il ne verrait pas la fin mais dont le livre serait la fin ?" (1)
J'ai repensé à cette phrase que j'ai longtemps méditée (2) : 
"L'analyse serait-elle un récit dont le récit serait sa propre fin ?"

Les anecdotes seraient-elles leur propre fin dans le sens où elles feraient entendre toutes les incertitudes en trajet, trébuchements, réveils minuscules tout le long, et qui sont la texture même du chemin. Consistance de ratages, croyances, détails en ses intimités. Souricières du désir. Eclairs. Qui n'excluent ni la gêne ni l'horreur de savoir.




















1. E. Jabès, Le livre des marges, Biblio Essais Folio, p. 50.
2. J. Lacan. Le désir et ses interprétations, séance du 1er Juillet 1959. cité in Ly-Thanh-huê, Le réveil en tous ses états, L'harmattan, p236.