jeudi 2 octobre 2014

Souricières du désir.

-Excusez-moi, je n'arrive à écrire que des anecdotes, dit la main.
-Excusez-moi, j'entends plus que ce que je ne peux dire, dit l'oreille. J'entends des histoires qui m'apprennent la vie. Par des fenêtres que je n'aurais jamais empruntées. Mais quand ces histoires ont passé le seuil de mon tympan, le particulier qui les a dites, vient faire écran. Pourquoi, je ne sais pas. Et je n'arrive plus à entendre. 
-Excusez-moi, les mots dérapent quand je veux dire, dit la bouche. Je voudrais dire, et dire au plus juste. Avant que cela ne puisse s'écrire.

"Tout se passerait-il pour l'écrivain dans un avant-livre dont il ne verrait pas la fin mais dont le livre serait la fin ?" (1)
J'ai repensé à cette phrase que j'ai longtemps méditée (2) : 
"L'analyse serait-elle un récit dont le récit serait sa propre fin ?"

Les anecdotes seraient-elles leur propre fin dans le sens où elles feraient entendre toutes les incertitudes en trajet, trébuchements, réveils minuscules tout le long, et qui sont la texture même du chemin. Consistance de ratages, croyances, détails en ses intimités. Souricières du désir. Eclairs. Qui n'excluent ni la gêne ni l'horreur de savoir.




















1. E. Jabès, Le livre des marges, Biblio Essais Folio, p. 50.
2. J. Lacan. Le désir et ses interprétations, séance du 1er Juillet 1959. cité in Ly-Thanh-huê, Le réveil en tous ses états, L'harmattan, p236.

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